Le parcours des Emmanuelli

François EMMANUELLI, né à Zalana (Corse) le 23 mai 1910, était un médecin profondément humaniste et intimement convaincu que toute vie en danger devait être sauvée, quels que soient les risques encourus. Sa femme Yvonne, née TOMASINI, à Zalana (Corse), le 19 avril 1908, s’est engagée à ses côtés dans cette démarche.

Le 21 janvier 1996, au musée de la Résistance de Champigny-sur-Marne (94500), François et Yvonne EMMANUELLI reçoivent, à titre posthume pour lui, la médaille des “Justes parmi les Nations”. Cette distinction, la plus haute décernée par l'État d'Israël à titre civil, récompensent des individus ayant sauvé des Juifs de la Shoah sans rien attendre en retour. Les époux EMMANUELLI ont protégé et caché Tauba BEBELSKI, une jeune femme juive, afin qu’elle échappe à la déportation.

Nous sommes le 11 juin 1942, François EMMANUELLI, alors âgé de 32 ans, est nommé par le Conseil de l’Ordre des médecins afin de remplacer le docteur Adolphe KORB. De confession juive, la législation antisémite de Vichy l'a contraint à cesser de travailler et à fuir en zone libre. François EMMANUELLI reprend alors gratuitement la clientèle juive du pensionnat ZYSMAN, administré par l’UGIF, l’Union Générale des Israélites de France, assurant officiellement la représentation des Juifs auprès des pouvoirs publics. Instituée par la loi du 29 novembre, l'affiliation à l’UGIF est obligatoire pour tous les Juifs de France. Cela permet au gouvernement de Vichy de garder un certain contrôle de la population juive mais l’UGIF contribue aussi à cacher des enfants et permet la survie de nombreuses familles et personnes âgées.

Ouvert en 1933, au 57 rue Georges Clémenceau, à la Varenne, le pensionnat ZYSMAN accueille de nombreux enfants comme Bernard BEBELSKI et sa sœur Suzanne BEBELSKA. Leur mère Tauba BEBELSKI est employée par Sarah et Isaak ZYSMAN en tant que cuisinière. Afin de camoufler au mieux sa religion sous un régime qui la rejette, Tauba est surnommé par tous “Thérèse”.

Tout semble paisible dans ce pensionnat surnommé la “Maison des enfants heureux” mais cette accalmie ne dure pas longtemps pour Thérèse et ses enfants.

Le 16 juillet 1942 se déroule la rafle du Vél’ d’Hiv. Les Juifs de Saint-Maur-des-Fossés ne sont pas épargnés. Les époux ZYSMAN sont arrêtés et internés à Drancy, où Sarah tombe gravement malade avant d’être finalement relâchée. Leur fille Louise l’est aussi, mais l’intervention d’un commissaire lui permet de retourner au pensionnat où elle ne retrouve qu’une douzaine d'enfants, les autres ayant été récupérés par des parents inquiets. 

Tauba BEBELSKI, ou plutôt Thérèse, voyant la famille ZYSMAN arrêtée, comprend qu’elle doit se préparer à fuir, mais aussi à se séparer de ses deux enfants, Bernard et Suzanne, respectivement âgés de 12 et 13 ans. François EMMANUELLI lui propose de la cacher chez lui. Avec sa femme Yvonne et ses trois enfants, il réside alors au 95 bis rue du Bac, actuelle avenue du Bac.

Tauba BEBELSKI se retrouve donc placée sous leur protection, et ses enfants restent à la pension ZYSMAN, n’étant pas encore en danger. Pendant des mois, même des années, les époux prennent soin d’elle. Leurs enfants, bien que très jeunes, savent pertinemment que la présence de Tauba BEBELSKI est un secret devant être bien gardé. 

Malgré ces précautions, la famille reçoit la visite de la Gestapo. Sur dénonciation, des agents de la police politique nazie se rendent chez les Emmanuelli. Dans la précipitation, le Dr Emmanuelli n’a pas le temps de réfléchir : il a tout juste le temps de faire descendre Tauba BEBELSKI au rez-de-chaussée et de la dissimuler dans le fournil du boulanger. Fort heureusement, elle n’est pas découverte.

En 1943, Bernard BEBELSKI, son fils, part seul à la campagne, où il travaille de ferme en ferme.

Durant ces années, en plus d’aider Tauba BEBELSKI, François EMMANUELLI a continué de soigner gratuitement les pensionnaires, et également Madame ZYSMAN, revenue de Drancy car trop malade. Il a aussi, en parallèle, cherché des cachettes pour des enfants. 

Tauba BEBELSKI est restée cachée jusqu’à la Libération et les EMMANUELLI lui ont ainsi sauvé la vie.

Bien que les malheurs de Tauba BEBELSKI aient pu être limités par l’aide des EMMANUELLI en juillet 42, ce ne fut pas le cas de tous. Du 21 au 22 juillet 1944, sous l’ordre du capitaine SS Aloïs Brunner, une rafle a lieu au Pensionnat ZYSMAN et à l’orphelinat de la Varenne. Ce sont 28 enfants qui sont arrêtés. Dix d’entre eux viennent du pensionnat ZYSMAN, ils sont âgés de 4 à 11 ans. Paulette LÉVI, qui avait repris les rênes du pensionnat avec Louise après l’arrestation des ZYSMAN, est arrêtée avec les enfants. Ils sont déportés par le convoi 77 et assassinés à Auschwitz-Birkenau à leur arrivée.

François et Yvonne EMMANUELLI ont activement participé au sauvetage d’une vie juive de la déportation vers un centre de mise à mort, mais également risqué leur vie, leur sécurité et leur liberté, sans en attendre aucune contrepartie. Leur action a été confirmée par les témoignages de ceux qu’ils ont aidés, ou par des documents établissant la nature et les circonstances du sauvetage. (Les Justes parmi les Nations: L’histoire d’Ehud Loeb (yadvashem.org))

Ainsi, en 1996, sous l’impulsion de leur fille et avec l’aide de nombreux témoins, tels que les enfants de Tauba BEBELSKI, YAD VASHEM a pu mettre au point le dossier nécessaire à la reconnaissance des actes braves et altruistes de François et Yvonne EMMANUELLI, permettant que leur soit octroyé le titre honorifique de « Justes parmi les Nations ».

Le dévouement si complet d’êtres humains à vouloir en sauver un autre ne peut être laissé sans reconnaissance et tomber dans l’oubli.