Témoignage de Maurice Dreksler
Le jeudi 22 mars 2024, nous avons eu la chance de rencontrer Maurice Dreksler, caché chez la famille Perret pour échapper à la déportation. Retrouvez la synthèse de son témoignage ci-dessous.
De janvier 1941 à janvier 1942, le jeune Maurice DREKSLER, alors âgé de 8 ans, est soigné au préventorium de Yerres. Il y reçoit des visites mensuelles de ses parents mais, un jour, son père, Arja (Henri) DREKSLER, ne vient pas. Sa mère lui dit qu’il est en voyage pour le préserver de la terrible réalité : le 14 mai, il a été convoqué au commissariat par le billet vert et arrêté. Il est déporté à Auschwitz par le convoi n°5.
Le 25 mars 1943, Clara MELELIAT, tante de Maurice, est interpelée par deux policiers de la milice en civil, dans la rue, sous prétexte que son étoile jaune est mal cousue sur son vêtement. De retour du commissariat, à son domicile, se trouve toute la famille, qui se regroupait souvent à cause du couvre-feu imposé aux juifs. Le plus âgé des deux hommes, d'environ une quarantaine d'années, emmène Maurice et sa mère faire leurs valises. Maurice se met à pleurer, par peur d'aller à Drancy dont il a entendu parler, en mal ; refusant d'abord tout net, le milicien se radoucit finalement, après s'être vu proposer un verre de Cherry Brandy. Il demande alors à la mère de Maurice si quelqu'un peut prendre l'enfant en charge. Elle propose immédiatement l’ancienne concierge, Madame Larousse. À peine arrivée, celle-ci accepte de prendre en charge le jeune garçon, qui repart avec elle. C'est la dernière fois que Maurice voit sa mère.
De mars à juillet 1943, Maurice vit avec Madame Larousse dans un petit deux-pièces, continue d'aller à l'école et reçoit une fois par mois une lettre de sa mère. Bien que le confort ne soit pas optimal, le jeune garçon garde dans sa vie un semblant de normalité, notamment grâce au courage de la concierge qui l’avait accueilli sans rien demander en contrepartie. Le 23 juin, Anna est déportée vers Auschwitz-Birkenau par le convoi n°55. Deux jours avant, elle écrit une dernière lettre à Mme PERRET, qui la donnera finalement à Maurice en 1992, estimant qu’elle l’aurait trop attristé avant.
Avant la guerre, Georges PERRET est le directeur commercial et le représentant à Paris de la maison Cory (une entreprise d’importation de charbon anglais, mise évidemment en sommeil en 1939). Parce qu’il employait Anna comme secrétaire bilingue, il tente de retrouver Maurice et propose de l’héberger, expliquant qu’il pourrait lui fournir un lieu et des conditions de vie plus confortables, loin de Paris. L’enfant est alors déplacé à Saint-Maur, au 4 avenue du Plateau, dans la villa des PERRET.
Chez les PERRET, Maurice vit une vie confortable, protégé de la réalité par le cocon d’amour construit par la famille. Il peut ainsi s’épanouir parmi les enfants PERRET : Lucien (13 ans), Bernard (11 ans) et Micheline (7 ans). Il sort cependant le moins possible : une institutrice vient lui faire cours à la maison car la famille PERRET craint la collaboration, (d’autant plus que leurs voisins d’en face, d’anciens amis, étaient des collabos avérés).
Pour donner le change, il se rend à la messe avec ses protecteurs, catholiques pratiquants, à l’église Notre-Dame-du-Rosaire, sur la place des Marronniers. Il réside donc au 4 avenue du Plateau jusqu’à la libération de la ville, en août 1944, bien que son oncle de Lyon ait proposé de l’héberger chez lui bien avant. M. PERRET s’y était fermement opposé, assurant que son domicile était plus sûr. Maurice retourne alors à l’école. Il reprend les cours à l’établissement Les Tilleuls, à Saint-Maur-des-Fossés. A cette date, et à ce moment-là seulement, Maurice perd ses illusions, et finit par comprendre que sa famille ne reviendra pas.
Après la guerre, Maurice part vivre avec la seule personne qui ait survécu, la sœur de sa mère et son mari, à Lyon, mais il reste en contact avec la famille PERRET et le restera pendant le reste de leur vie.